Le Choix Goncourt de l’Orient est une déclinaison du Prix Goncourt, qui offre la possibilité aux étudiants du Moyen-Orient de lire des ouvrages de littérature contemporaine francophone et de choisir un roman lauréat à partir de la 2ème sélection de l’Académie Goncourt. Il vise à susciter une dynamique culturelle tout en permettant aux jeunes étudiants de développer leur esprit critique.
Mohammad Reza Azizi fait partie des étudiants jurés qui ont participé à la dernière édition qui a couronné Nathan Devers pour « Les Liens artificiels » (Albin Michel).
Témoignage.
Pouvez-vous vous présenter (parcours académique) ?
Je suis Mohammad Reza Azizi. J’ai 35 ans, je suis né à Ispahan, en Iran. Je suis cinéaste et écrivain. J’ai une licence en langue et littérature françaises, et actuellement je suis étudiant en traduction française, en 2ème année de master. Concernant mes intérêts, j’aime le cinéma, la musique et la photographie que je pratique professionnellement. J’ai fait des études en photographie au lycée des beaux- arts et quand j’ai déménagé à Téhéran, je suis devenu assistant réalisateur et j’ai fait deux courts-métrages. Durant mes études, j’ai rédigé deux scénarios de court-métrage et une pièce de théâtre en français ; celle que j’ai réalisée sur scène. Ainsi, j’ai réussi à marier mes deux grandes passions : l’art et le français.
Parlez-nous de votre relation avec l’AUF.
Quand le premier semestre de master a commencé, j’ai été informé par le département de français de l’Université d’Ispahan de l’existence de l’Agence Universitaire de la Francophonie et de ses actions. J’ai découvert que l’AUF contribue au développement de la francophonie dans le monde en organisant, par exemple, des formations et des évènements variés dont le Choix Goncourt de l’Orient. A cette époque-là, les classes étaient en ligne à cause de la pandémie du Covid 19. Et sur le conseil de l’une de mes professeurs, j’ai participé à la 10ème édition de Goncourt de l’Orient en 2021. Très rapidement, j’ai pu établir un bon lien avec les ouvrages proposés. Dans les séances d’analyse des romans, j’ai fait la connaissance des auteurs, leurs styles d’écriture et leurs genres littéraires, et j’ai effectué des recherches sur l’Académie Goncourt. Cette expérience était tellement intéressante et enrichissante pour moi que j’ai décidé de faire une vidéo sur le roman « La carte postale » d’Anne Berest. Et depuis, je suis toujours l’AUF sur les réseaux sociaux, je participe aux ateliers et rencontres littéraires en ligne et je les propose à mes amis francophones.
Que vous a apporté l’expérience de la présidence du jury Choix Goncourt de l’Orient dans votre université ?
Heureusement, il n’y a plus de contraintes imposées par le Covid, et les séances de lecture se sont déroulées en présentiel. J’ai été élu président du jury par le département. Dans cette responsabilité importante, je devais étudier en détail toutes les œuvres. Je prenais des notes sur les écrivains, leurs styles d’écriture et leurs objectifs. Les personnages des romans ne me quittaient pas comme Julien dans Les liens artificiels ou Cloé Korman dans Les presque sœurs. Je sentais aussi que les autres membres de groupe étaient plus intéressés à l’activité et que ma responsabilité grandissait. La participation au Choix Goncourt de l’Orient m’a permis de me familiariser avec des cultures variées ; j’ai fait la connaissance d’étudiants de français dans d’autres universités au Moyen-Orient et nous avons eu des échanges très fructueux. Nous avons mené ensemble un travail collectif de qualité. Dans cette atmosphère d’échanges et de partages, nous avons appris à être à l’écoute, et faire preuve de plus de souplesse et de résilience. Nous avons appris à convaincre les autres en apportant des arguments précis, avec respect. Pour le choix des livres, les situations sociales jouent un rôle important. Par exemple, l’étudiant égyptien valorise le point de vue historique tandis que les étudiants libanais ont des affinités littéraires plus contemporaines.
Parlez-nous de la 11ème édition et de votre séjour à Beyrouth.
C’était mon premier voyage à Beyrouth, cette ville qui a des milliers d’histoires à raconter. C’était un séjour de recherche et de découverte qui a coïncidé avec le Festival du livre de Beyrouth. J’ai beaucoup appris de nos rencontres avec Clara Dupond-Monod et Olivier Rolin. Et surtout, je me suis fait de nouveaux amis francophones. Quand j’ai demandé à la présidente du jury Madame Salma Kojok si je pouvais prendre des photos, elle m’a répondu : pourquoi pas ? Tu peux réaliser un film également. Et grâce à cet encouragement, j’ai fait une petite vidéo de la cérémonie avec mon téléphone portable qui a été relayée sur les réseaux sociaux de l’AUF.
Quelques mots sur la lecture, l’écriture et votre passion pour la photographie ?
Je me souviens dans l’atelier d’écriture animé par Salma Kojok, elle a parlé des voix qu’on entend autour de nous et qui peuvent être le commencement et la fin de n’importe quelle histoire. Pour moi, lire un roman est comme entendre des voix. Chacun de nous a des histoires à raconter ou à écrire. Il suffit d’apprendre comment écrire et comment raconter. L’art de la photographie est aussi pour moi une façon d’immortaliser les histoires. Je crois que dans une photo, on peut voir l’histoire, la couleur et quelques fois entendre une musique.
Quels sont vos projets d’avenir ?
Actuellement, je suis étudiant en dernier semestre et je prépare mon mémoire de master sur l’engagement dans la traduction en examinant la théorie de Sartre. J’aimerais continuer mes études dans une université française dans les domaines de l’écriture, de la littérature et du cinéma. L’un de mes projets pour cette année est de faire un documentaire sur la rencontre des deux écrivaines, Anne Berest et Cloé Korman. Leurs deux derniers romans ont une histoire commune, celle de la deuxième guerre mondiale, des camps de travail, du destin amer de leurs ancêtres et d’Auschwitz-Birkenau. Aussi, j’ai un autre projet documentaire sur la vie littéraire de l’écrivaine Salma Kojok et son roman « Le dérisoire tremblement des femmes ».
Comment voyez-vous l’avenir de la francophonie en Iran ?
C’est bien que l’AUF informe les départements de français en Iran des activités de la francophonie mais de tout mon cœur, j’espère qu’un bureau de l’AUF soit ouvert dans notre pays pour plus d’activités et d’interaction. Si cela se concrétise, je crois que les étudiants, les enseignants francophones et les personnes intéressées par cette langue auront plus d’opportunités de coopération en rapport avec la langue, la littérature et la culture francophones. Permettez-moi de terminer mon témoignage par un souhait inspiré de Charles de Montesquieu dans Les lettres persanes : il faudrait savoir comment développer la francophonie tout en étant persan ; c’est comme le métissage de deux cultures riches et anciennes.