Sandra Sarkis est fondatrice de Start Leb, une jeune pousse qui part d’un postulat particulièrement prometteur pour l’industrie agroalimentaire libanaise : identifier les ferments lactiques à partir de nouvelles souches de bactéries lactiques isolées dans des produits traditionnels libanais. Elle a remporté la 10ème édition du concours Femme Francophone Entrepreneure (FFE), organisé annuellement au Liban par l’AUF et ses partenaires, Berytech et L’Orient-Le Jour, pour soutenir l'entrepreneuriat féminin.
Nous l'avons rencontrée.
Comment avez-vous entendu parler du concours FFE ? Et que pensez-vous de cette initiative lancée par l’AUF ?
Personnellement je suivais depuis plusieurs années le concours FFE sur les réseaux sociaux de l’AUF et Berytech sans jamais avoir eu l’idée d’y participer. En juin 2021, et alors que je travaillais sur mon projet de recherche à l’université Saint-Joseph de Beyrouth en collaboration avec l’Institut de Recherches Industrielles depuis quelque temps, j’ai reçu un courriel à propos du lancement de ce concours en sa 10ème édition, je me suis sentie personnellement concernée et sans aucune hésitation, j’ai rempli et soumis l’application pour y participer.
Cette initiative est une lueur d’espoir pour toute femme innovante voulant contribuer activement à bâtir de meilleurs lendemains. En effet, l’entrepreneuriat féminin est largement considéré comme une voie à explorer et à encourager pour ses retombées économiques, sociales et politiques importantes. Toutefois, pour s’y aventurer, la femme a besoin du bon support autant moral que technique d’où la valeur ajoutée de cette initiative qui ne s’avère pas seulement comme un simple concours mais un accompagnement encourageant la femme libanaise à aller plus loin.
Présentez-nous votre projet gagnant Start-Leb.
Start-Leb vise à produire localement des ferments lactiques à partir de nouvelles souches de bactéries lactiques isolées depuis des produits traditionnels libanais. Ce produit particulièrement prometteur pour l’industrie agroalimentaire en général et l’industrie laitière en particulier permet de revaloriser le goût traditionnel des produits laitiers, de renforcer leur valeur nutritionnelle grâce à l’apport de probiotiques naturels, tout en offrant la possibilité de les conserver naturellement sans agents conservateurs. En effet, il y a vraiment un créneau pour développer cette industrie vu les répercussions de la crise locale sur les producteurs laitiers contraints d’importer leurs ferments en l’absence de production locale, ce qui leur permettra ainsi d’exporter leurs produits en maintenant une identité propre.
Pourquoi les femmes sont-elles moins nombreuses à entreprendre à votre avis ?
Bien que l’entrepreneuriat féminin soit en constante évolution à travers le monde, les pourcentages des femmes représentées aux postes de dirigeantes est toujours minimal. Non pour raison d’incompétence, mais à mon avis la femme est un être altruiste qui donne une priorité à son entourage, rendant l’équilibre entre sa vie privée et sa vie professionnelle assez difficile. Ce trait est accentué par l’impact sociétal qui la place dans un cadre prédéfini avec des rôles bien spécifiques diminuant ainsi sa confiance en elle-même et en ses capacités créatives et entrepreneuriales. En plus, malgré tous les progrès, la réussite dans le monde des affaires n’est jamais basée strictement sur le mérite et la compétence des candidats mais dépend de divers autres facteurs parfois injustes envers la femme, la rendant ainsi plus vulnérable et l’empêchant de s’aventurer par crainte d’échec et peur de l’inconnu.
En quoi devenir entrepreneure a changé votre vie ?
Devenir entrepreneure c’est avant tout croire en soi et se défier à tout moment sans se lasser. En effet, n’ayant pas de véritable expérience dans le monde de l’entrepreneuriat, il a fallu tout d’abord apprendre, innover et créer. Une étape très enrichissante au cours de laquelle on se sent pionnière et motivée. La liberté intellectuelle dont j’ai bénéficié m’a permis de m’épanouir tant sur le plan professionnel que personnel. Désormais, être entrepreneure ne se limite pas à une simple profession et un nombre d’heures de travail précis, mais c’est un mode de vie et un parcours qui nous accompagne 24h sur 24 et 7 jours sur 7. En effet, ce parcours m’a permis de m’améliorer en permanence et de réaliser un rêve qui m’est cher, être un bon exemple pour mon entourage et surtout pour mes deux filles. Cela sans oublier ma contribution au plan local qui s’avère comme un devoir sociétal, surtout dans le contexte actuel. Mon parcours entrepreneurial peut se résumer en 3 mots : Innover, Croire et Oser.
Qui est votre modèle d’entrepreneur(e) et pourquoi ?
Beaucoup de noms célèbres me viennent à la tête mais pour moi la personne qui m’a véritablement marquée dans la vie est sans doute ma mère. Bien que non célèbre, elle a toujours été entrepreneure dans sa façon de penser, d’agir et surtout de nous élever. Elle nous encourageait sans cesse et nous poussait à aller plus loin sans pression ni critique, mais au contraire en nous procurant un support sans limite. Forte d’esprit, elle n’abandonnait pas facilement. Un trait de caractère que je lui dois et qui m’a permis de persévérer en dépit de toutes les difficultés auxquelles on fait face en tant qu’entrepreneure libanaise.
Quelle pourrait être la valeur ajoutée de FFE sur votre start-up et parcours d’entrepreneure ?
La réussite au concours FFE m’a marquée à différents niveaux :
-Moral : ma confiance en soi et en mon projet ont fortement augmenté, me poussant à me dépasser à chaque instant et sans hésitation. Le soutien de la communauté francophone représentée par l’AUF m’est très cher et m’a donné un plus grand espoir dans la réussite de mon projet, alors qu’actuellement plusieurs voies s’avèrent complètement inaccessibles pour les entrepreneurs libanais.
-Technique : l’incubation et l’accompagnement professionnel dont Start-Leb bénéficie suite à la compétition me permettent de démarrer correctement ma start-up en améliorant l’infrastructure nécessaire au bon fonctionnement de mon business.
-Financier : la subvention reçue constitue un grand soutien et un gigantesque pas en avant surtout avec les sources d’investissement limitées dans le pays. Une partie des dépenses nécessaires sera couverte et permettra l’avancement du projet.
Un conseil aux femmes qui hésitent encore à se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?
Toutes les femmes ont certainement les qualités et les compétences nécessaires pour entreprendre une activité. Soyez conscientes de vos atouts et ne vous laissez plus dominer par la peur de ne pas être à la hauteur.
Relevez-vous toujours après vos erreurs et entourez-vous de personnes prêtes à vous soutenir, sans vous laisser déstabiliser par les critiques.
Osez ! C’est primordial pour réussir, vous devez être vous-mêmes convaincues afin de convaincre vos partenaires.
Visez la lune et si vous n’y aboutissez pas, vous atterrirez au moins dans les étoiles.