Madame Nguyen Thi Cuc Phuong est vice-rectrice de l’Université de Hanoï, établissement membre de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) depuis 1994. Enseignante et gestionnaire de l'université, elle a consacré toute sa carrière à la promotion de la langue française, en faveur du renforcement de l'enseignement supérieur. Ses efforts ont été dernièrement récompensés par le prix d’Honneur du Groupe des ambassades, délégations et institutions francophones au Vietnam (GADIF). Aujourd'hui, elle partage avec nous son point de vue sur les apports des coopérations universitaires francophones.
AUF : Nous tenons tout d’abord à vous féliciter pour l’obtention du prix d’honneur du GADIF et à vous remercier de nous avoir accordé cet entretien. Présentez-nous votre établissement en quelques mots.
Fondé en 1959, l’Université de Hanoï offre actuellement 18 licences, 5 masters et 2 doctorats, dont un en langue française, sans compter les 12 autres formations conjointes avec l’étranger. Il y a 11 filières de langue (français, anglais, allemand, russe, italien, espagnol, portugais, chinois, japonais, coréen, vietnamien-culture vietnamienne pour les étrangers) et 7 filières de spécialité (management, tourisme, comptabilité, banque-finances, études internationales, technologie de l’information, communication d’entreprise). La spécificité de notre université réside dans le fait que tous les cursus sont dispensés en langues étrangères, ce qui facilite beaucoup la coopération internationale.
AUF : Combien de formations francophones au sein de votre établissement sont accompagnées par l’AUF ?
Nous avons deux filières francophones : « langue française » et « communication d’entreprise ». Pour les diplômes en langue française, nous retrouvons les 3 niveaux : licence, master et doctorat. La licence en communication d’entreprise enseignée en français est notre jeune bébé qui verra le jour cette année universitaire 2016-2017.
Pour la filière « Langue française », nous avons mis en œuvre depuis 7 ans un programme de master et un programme de doctorat, fruit d’un partenariat avec l’Université catholique de Louvain (ULC). Tous les étudiants de ces programmes bénéficient d’une bourse pour aller en Belgique au moins un semestre. L’AUF contribue au financement de ces mobilités.
AUF : Quels sont les projets que vous avez pu développer grâce à l’AUF ? Pourriez-vous citer un exemple ?
Les projets que nous avons réalisés avec l’AUF sont variés : la formation des enseignants, la mobilité des enseignants et des étudiants, la recherche scientifique.
Pour la formation, une vingtaine de professeurs du Département de français ont été formés aux technologies de l’information grâce aux deux ateliers Transfert financés par l’AUF et organisés à l’Université de Hanoi. Ces formations ont permis à nos professeurs de créer et dispenser sans grande difficulté de cours en ligne via la plate-forme Moodle. À partir de cette base de connaissances et de compétences, nous avons réussi à obtenir le financement du Fonds francophone de l’inforoute de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) afin de réaliser le projet Innofle «Création d’un dispositif d’enseignement du français langue étrangère aux jeunes laotiens et vietnamiens ».
En ce qui concerne la recherche scientifique, l’AUF a financé en 2009-2010 un projet intitulé «Texte-Discours argumentation, reformulation, explicitation, marqueurs discursifs », réalisé par une équipe d’enseignants-chercheurs vietnamiens et dirigé par le professeur Denis Paillard de l’Université Diderot-Paris VII.
Outre le soutien à la mobilité des étudiants en master et en doctorat cité ci-dessus, dans le cadre de son projet « promotion et animation de la Francophonie », l’AUF nous accompagne également dans le montage des universités d’été. Je pense que cette activité est une excellente initiative qui permet à des centaines de jeunes francophones de la région de se rencontrer et de comprendre les cultures des uns et des autres. L’Université de Hanoi a accueilli plus de 80 jeunes étudiants provenant du Cambodge, du Laos, de la Thaïlande et d’autres provinces du Vietnam en 2015. Nous envisageons d’organiser une université d’été pour 2016.
AUF : D’après vous, quelles sont les valeurs ajoutées de la langue française dans l’enseignement supérieur et dans la recherche, notamment à travers les actions que mène l’AUF ?
Pour notre université, la langue française est un excellent moyen pour les étudiants d’acquérir des savoirs et savoir-faire francophones leur permettant une plus grande employabilité. Pour cette raison, nous faisons des efforts inlassables pour d’une part, professionnaliser le programme de licence en langue française avec deux orientations professionnelles : traduction-interprétation et tourisme ; et d’autre part, créer de nouveaux programmes de formation en français telle que la licence de communication d’entreprise. Pour ce faire, l’AUF nous accompagne dans la formation des formateurs.
AUF : Quelles étaient les motivations qui ont incité votre établissement à rejoindre le réseau de l’AUF ?
L’AUF est un réseau de plus de 800 établissements universitaires répartis dans plus de 100 pays, elle peut nous mettre en contact avec les partenaires potentiels de partout dans le monde, en fonction de nos besoins. Aussi, l’AUF nous soutient dans toutes les activités universitaires. Je n’en citerais que les principales : formation (création de filières francophones, bourses de mobilité pour enseignants et étudiants, missions d’enseignement ou d’experts…), recherche (réseau de chercheurs, organisation des manifestations scientifiques, publication, formation à la recherche…).
AUF : Avec quels partenaires universitaires francophones développez-vous des projets ?
Nous avons des projets de formation avec 4 établissements d’enseignement supérieur de la région Wallonie-Bruxelles (Université catholique de Louvain, Université libre de Bruxelles, Institut supérieur de traducteurs et interprètes, Institut libre Marie-Haps) ; des projets d’échanges d’étudiants avec 2 partenaires français (Institut national des langues orientales, Université de Franche-Comté). Tous les projets avec les partenaires belges sont financés et gérés par un partenaire de longue date, Wallonie Bruxelles International.
AUF : Quelle est l’expertise de votre établissement à laquelle nous pourrions faire appel pour monter des projets innovants
Avec nos expériences, nous pourrions avoir des experts en ingénierie de la formation et en recherche dans quatre domaines : français langue étrangère, traduction, interprétation et numérique éducatif.
AUF : Quels sont vos projets avec l’AUF ?
Nous avons un projet innovant avec l’AUF à partir de 2016. Il s’agit d’un domaine important : la gouvernance universitaire. En effet, l’Université de Hanoi pilote actuellement, avec 12 autres universités vietnamiennes, le projet d’autonomie universitaire sur tous les plans : formation, recherche, financement, investissement… Ce projet nous demande une gouvernance renouvelée et dynamique afin de répondre aux exigences de l’intégration régionale ainsi qu’internationale ou la forte concurrence du marché éducatif au Vietnam à l’heure actuelle. À côté de la Banque mondiale, l’AUF financera une partie du projet et nous accompagnera dans ce processus de réforme à travers différentes activités : missions d’expertise, voyages d’études, formation à la gouvernance universitaire, conférences scientifiques, publication des résultats… Son soutien nous sera très précieux en termes de formation des ressources humaines, la clé de toutes réussites.