Dr. Raphaël Onguene : « Nous devons limiter la pollution des environnements littoraux et marins par une meilleure gestion de l’assainissement des villes »

DrONGUENE

Premier physicien océanographe en Afrique centrale, Raphaël Onguene effectue des recherches dans le développement des sciences de la mer, en appuyant notamment le département d’océanographie de l’Institut des Sciences Halieutiques de l’Université de Douala, et dans la recherche opérationnelle. Il est le coordinateur du Master régional en Gestion Intégrée des Environnements Littoraux et Marins (GIELM).

L’appel à candidature portant sur le lancement du concours d’entrée en 1ère année du Master GIELM a été récemment lancé. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette formation que vous coordonnez au niveau de l’Université de Douala ?

D’ici 2030 plus de 60% de la population mondiale habitera près des côtes. Au Cameroun, la ville de Douala à elle seule possède 65% du PIB national, 75% d’industrie. Ces statistiques sont quasiment les mêmes pour toutes les grandes villes côtières du golfe de guinée. En même temps, l’exploitation durable des océans et des mers fait partir des Objectifs de Développement Durables (ODD) 2030 ; notamment l’ODD 14. Les événements extrêmes augmentent. Il devenait urgent d’étudier les zones littorales et marines en Afrique centrale avec une Approche intégrée, c’est-à-dire réfléchir à l’aménagement et l’exploitation durables des ressources, tout en tenant compte des enjeux économiques, sociétaux et environnementaux.

Nous travaillons avec une approche pluridisciplinaire en consortium avec trois universités – l’Université de Douala (Cameroun), l’Université Omar Bongo (Gabon) et l’Université de Yaoundé I (Cameroun) – et une grande école (l’École nationale des eaux et forêts du Gabon). Depuis 2016 nous avons formé près de 120 étudiants venant du Bénin, de la Centrafrique, du Congo, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de la République démocratique du Congo, du Sénégal et du Tchad.

À l’Université de Douala, nous sommes davantage orientés vers la recherche opérationnelle. Notre parcours à Douala s’intéresse à l’hydrographie (sécurité et sureté de la navigation en mer), l’instrumentation océanique, l’aménagement des villes côtières (analyse des risques et de la vulnérabilité) sans oublier les causes et les conséquences des changements climatiques.

Quels sont les enjeux de cette formation pour nos pays en voie de développement voire au-delà ?

Les enjeux sont de tout ordre : économiques, environnementaux et sociétaux. La quasi-totalité de l’expertise dans ce domaine reste développée dans les pays riches à cause des moyens opérationnels et du faible niveau de connaissances des acteurs locaux. Il est important de renforcer les capacités de tous les acteurs intervenant dans ce milieu. Les secteurs d’employabilités des futures cadres sont nombreux : la société civile, le secteur public, le secteur privé, les cabinets d’études, le tourisme etc.

Le Master est opérationnel depuis 2016. Peut-on parler de résultats déjà perceptibles ? Quel bilan pouvez-vous dresser à ce jour ?

Les résultats sont perceptibles. Pour le parcours recherche par exemple, nos produits sont recrutés au ministère de la recherche scientifique, dans les ports autonomes de Douala et Kribi, à la marine marchande, dans les collectivités territoriales décentralisées. D’autres poursuivent les thèses de Doctorat et certains ont même obtenu des postes à l’Université. Nous avons près de 80% de diplômés qui ont trouvé un bon travail. Les étudiants étrangers ont également trouvé un emploi dans leur pays.

La communauté internationale célèbre le 5 juin prochain la Journée mondiale de l’environnement. Quel message souhaiteriez-vous porter au regard des objectifs du Master GIELM ?

Les zones côtières et marines revêtent une importance cruciale pour l’avenir de l’humanité. Les océans et les mers occupent 72% de la surface de la planète. Elles offrent gracieusement des produits halieutiques, du pétrole, et favorisent les échanges de biens dans le monde. Ces écosystèmes doivent être étudiés afin de mieux planifier leur développement et leur exploitation durable. Nous devons tout faire pour limiter la pollution de ces environnements par une meilleure gestion de l’assainissement dans nos villes. Pour finir n’attendons pas de voir les tsunamis ou des raz-de-marée frapper nos côtes pour avoir à l’évidence les manifestations des changements climatiques. La salinisation des eaux douces superficielles ou souterraines, l’érosion rapide des côtes, sont des faits parlants. Les forêts de mangroves, savamment disposées pour protéger nos côtes, nous coûterons des centaines de milliards à moyen terme à cause des événements extrêmes si nous continuons l’exploitation abusive, sans effort de régénération.

Dr Onguene Raphaël est titulaire d’un Diplôme d’Étude Approfondie de la Faculté des sciences de l’Université de Yaoundé I en 2008. Concomitamment il poursuit une formation d’ingénieur électrotechnicien qu’il achève en 2009. En février 2010 il est recruté comme enseignant-assistant à l’IUT de Douala au département de Génie Industriel et Maintenance. En 2012, il est sélectionné pour une thèse de doctorat à l’Université de Toulouse Paul Sabatier en France, qu’il soutient en 2015, sur la modélisation de la circulation océanique côtière dans le golfe de guinée. Son premier projet de recherche (2015-2018) a consisté en la mise en place d’une jeune équipe de recherche qui, en association avec l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), a travaillé sur la réponse du littoral camerounais au forçage océanique multi-échelle; en 2017-2018 sur le projet Arc Émeraude au Gabon ; 2016 et 2018,  sur le projet Douala ville secondaire ; depuis 2018 à ce jour, sur le projet Douala ville Durable.

 

Date de publication : 04/06/2021

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