L’École normale supérieure (ENS) du Burundi est l’un des plus récents établissements membres de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF). Pr. Janvière Ndirahisha, Directrice générale de l'institution, s'exprime.
1) Pouvez-vous nous présenter lEcole normale supérieure du Burundi, en quelques mots ?
LÉcole normale supérieure a été créée en 1965 afin de former les enseignants de lécole secondaire. Elle fut rapidement fusionnée à lUniversité du Burundi, avant de devenir une structure indépendante, en décembre 1999. Les trois départements dorigine sont toujours présents aujourdhui. Le département des Langues et Sciences humaines comprend deux sections Français-kirundi et Anglais-kirundi. Celui des Sciences naturelles regroupe les filières Mathématiques-physiques et biologie-chimie. Le dernier département, Sciences appliquées, est composé des sections de Génie électronique, Génie civil et Génie mécanique. Cette année, lENS forme plus de 3000 étudiants qui se destinent à devenir de bons enseignants. La qualité de leur formation est essentielle pour nous. Depuis 2011, par exemple, nous nous sommes conformés à la nouvelle loi de lEnseignement supérieur en intégrant le système BMD (Baccalauréat-Master-Doctorat). Notre première cohorte BMD va sortir cette année.
2) Depuis cette année, lENS est membre de lAUF. Quelles sont les raisons de cette adhésion ?
Par lentremise dInternet et des collègues universitaires, nous avons vu quil y avait beaucoup dopportunités offertes par lAUF pour les chercheurs, les enseignants et les institutions, notamment la formation en ligne et le développement des TIC. Lorsque lAUF organise des formations, il y a aussi des avantages pour les institutions membres, dont la réduction des coûts dinscription. Nous avons donc fait la demande dadhésion pour bénéficier de tous ces services.
Ecole Normale Supérieure du Burundi
3) Comment lAUF pourrait jouer un rôle au sein de votre structure universitaire ?
LAUF peut nous aider à renforcer la qualité de notre formation et de nos enseignants. Jai vu une formation qui portait sur la rédaction dun article scientifique, par exemple (sic :http://www.bi.refer.org/spip.php?article410). Souvent, on a des connaissances mais on éprouve de la difficulté à les écrire de manière cohérente. Lorsquon essaye de publier, cela prend énormément de temps. Avec lAUF, on saura comment rédiger un article scientifique. Les enseignants peuvent également utiliser les ordinateurs du campus numérique. Je pense aussi demander à lAUF de mobiliser des fonds pour que nos jeunes étudiants prometteurs, qui ont terminé leurs études, puissent faire plus de formation à distance. Cela sapplique également à nos enseignants. LÉtat burundais réduit le nombre de bourses pour les professeurs. Le gouvernement nous offre 5 bourses leur permettant de continuer une formation au niveau master et doctorat. Ces moyens sont complétés par des bourses étrangères mais nos besoins sont importants. Chaque année, entre dix et douze enseignants bénéficient de bourses détudes sur un total de 80 professeurs. Nous pouvons utiliser les bourses de lAUF.
4) Quels projets aimeriez-vous mettre en place avec lAUF ?
Pour le moment, jenvisage den discuter avec la direction. Le directeur de la recherche a participé à une mission de lAUF, à Bukavu, il y a quelques mois (sic :http://www.bi.refer.org/spip.php?article383). On va se rencontrer pour déterminer les projets à mettre en action avec lAUF. Entre temps, jinvite régulièrement les professeurs à consulter les opportunités offertes sur le site de lAUF.
5) Au mois de décembre, lENS a accueilli le Conseil national dorientation du Burundi qui a notamment passé en revue les réalisations 2012-2013. Quelles impressions et quelle image de lAUF en dégagez-vous ?
Cest une structure qui offre beaucoup de services à un coût réduit. Payer 25$ pour obtenir une formation, cest vraiment incroyable. Cest la même chose pour la formation à distance. LAUF nous permet dobtenir un diplôme européen à partir du Burundi. Cest fantastique. Comme je lai mentionné, lAUF met aussi une salle informatique à disposition de ces étudiants. Beaucoup de personnes ne disposent pas dordinateurs pour suivre une formation à distance. Et même sils ont un ordinateur, se connecter à internet nest pas toujours facile, surtout avec nos coupures délectricité. LAUF est dynamique.
6) A lENS, quels sont les défis prioritaires au niveau de lenseignement et de la recherche en français ?
Selon moi, il y a deux défis prioritaires : la cohabitation avec langlais et laugmentation des outils pédagogiques en français. Vous savez que le Burundi est francophone. Mais maintenant, avec le courant de lAfrique de lEst, il y a une majorité anglophone. Le Kenya, lOuganda et la Tanzanie parlent anglais, pendant que le Rwanda sy met également. Est-ce que le Burundi va suivre cet exemple ? Je ne sais pas. A mon avis, il faut connaître langlais sans pour autant oublier le français. Nous pourrions garder le français comme langue officielle et ajouter, peut-être, langlais et le swahili comme langues officielles supplémentaires. Cela permettra au Burundi de conserver le français et de représenter cette langue au sein des autres pays. Les Burundais, par exemple, pourraient se retrouver à enseigner le français aux anglophones de notre région. Il est important de maintenir la place du français au Burundi. Mais pour y arriver, il faut des outils appropriés. A lENS, nous avons une section de langue française mais nous manquons de matériel. Nos étudiants de français ne lisent pas. Cest très rare quils louent des livres francophones à la bibliothèque. Est-ce par manque de livres ou dintérêt ? Je ne sais pas. LAUF peut nous aider à obtenir des outils en français. La maîtrise de cette langue, dune manière générale, diminue de jour en jour. Je me dis quil y a lieu de raviver cette langue par des films, des documentaires, des outils didactiques pour que les étudiants constatent que même si nous nous tournons vers lEast African Community, le français nest pas oublié.
7) LAUF favorise les collaborations entre les établissements denseignement supérieur de la région et au niveau international. LENS est-elle déjà engagée dans ce type de partenariats académiques ? Comment lAUF pourrait vous appuyer en ce sens ?
LENS a longtemps souffert de légitimité au sein du milieu académique. Avant, quand on parlait de cette institution, il nétait pas rare dentendre les gens dire que lENS navait rien à voir avec luniversité. Par conséquent, cétait vraiment très difficile de créer et développer une coopération avec les universités. Afin de changer cette situation qui perdure un peu, il nous revient, à nous, de montrer ce dont nous sommes capables. Même si linstitution est appelée « école », elle est à limage de luniversité. Nous devons travailler sur les maquettes de cours, pour exemple, pour montrer que lon donne des cours comme il faut, que les programmes sont à jour, sans oublier que nous avons une mission première denseigner. Nous avons ce défi. Aujourdhui, nous navons pas encore signé de partenariats mais nous avons des opportunités à travers lAUF dont nous sommes membres. LAgence est une opportunité pour développer notre réseau. Nous pourrons découvrir ce que les universités font, voir les programmes communs pour travailler ensemble, etc. LENS est également membre du Conseil inter-universitaire de lEast african community. Nous multiplions les opportunités pour développer la coopération. Ce nest pas bon de rester isolé !
8) A titre personnel, que représente la francophonie pour vous ?
Pour moi, la francophonie est un espace où les pays qui parlent français peuvent collaborer, lire la suite